Un livre en préparation du prof. Giovanni Grieco
Modèle de structure sociale
à l'ère de la hi-tech
"On continue à penser dans l'optique
de la société industrielle classique et de ses organismes de
re-équilibre social; comme si nous n'étions pas à l'éclipse de ce type
de société et par conséquent de tout le bagage d'État social qui en est
l'aspect spéculaire, l'enfant direct, dont l'existence présuppose
prioritairement l'existence de sa source.
"En fait, il faut un changement
d'optique pour faire face au nouveau"
Dans les analyses
concernant les changements en cours du modèle de développement des
sociétés avancées, on rencontre souvent des hypothèses pour une nouvelle
organisation sociale fondée non pas sur le travail humain mais sur les
technologies dites de "labor saving".
On parle même de fin du travail, on emphatise le rôle
du volontariat et des activités à but non lucratif : l'histoire ne
nécessiterait plus du "par soi-même" hégélien.
Sans doute le développement actuel, des technologies
informatiques, irrésistible qu'il est, peut faire estimer que désormais
la machine peut marginaliser, voire rendre superflu, l'homme dans le
procès de production.
Qu'il suffise de penser que la machine de la société
industrielle classique, qui remplaçait la force-travaille humaine dans
maintes opérations, avait pourtant besoin de la pensée pour son
démarrage et sa conduite ; tandis qu'à présent c'est l'ordinateur qui
dit à l'opérateur ce qu'il doit faire, les gestes élémentaires à
accomplir sur son clavier, sans qu'il doit les penser.
La déstructuration du temps et de l'espace (les
coordonnées fondamentales de la production - qu'on pense à Taylor et à
Ford - mais aussi limites naturelles de l'homme) représente un tournant
aux résonances infinies dans l'âme humaine. En engendrant un vertige de
l'inconnu qui favorise de nouvelles déifications.
Il n'est pas surprenant si, dans l'imaginaire collectif, la hi-tech
est perçue comme une surposition sur l'homme, l'annihilation de celui-ci,
vu que le progrès va se dérouler avec une participation humaine minimale,
le Grand Frère pensant et agissant pour tous.
Changement épocal
Mais sera réellement celle-ci la clé de lecture du
changement épocale de la société humaine annoncée pour le troisième
millénaire de l'ère chrétienne ?
n'est-il percevable, par exemple, son exacte contraire,
à savoir que le modèle de production qui va prévaloir dans le nouveau
cours de l'histoire de l'homme, du moins lorsqu'il attendra son régime,
élargira la participation humaine à la productivité en mesure presque
universelle, si bien que chaque individu de notre planète sera un acteur
du progrès ?
La re-lecture herméneutique du progrès, examiné côté
productivité humaine, peut nous offrir peut-être d'autres
interprétations et ouvrir la réflexion sur d'autres scénarios, en nous
aidant à cerner la route parcourible pour encheminer le changement vers
la meilleure condition humaine possible.
Dans cette optique nous allons avancer quelques
réflexions et quelques hypothèses de travail, sûrement pas pour la
vanité de " dire nous aussi la nôtre ", mais en ayant l'ambition
d'offrir une contribution visanr à surmonter de quelque façon le "gap"
culturel qui est en train de conditionner, nous semble-t-il, certains
comportements des centres de décision qui comptent, avec le risque de
disperser la poussée du courant portant et de retarder coupablement
l'universalisation des avantages du changement.
Il ne s'agit pas d'un souci de peu dans cette phase où
les phénomènes négatifs, engendrés déjà par les changements en acte,
sont en train d'assumer du poids ; par exemple l'expulsion de
travailleurs du cycle de production et la crise des systèmes
d'assistance et de sécurité sociale.
Face à ces problèmes prévaut, semble-t-il, la tendance
à mettre en place des mécanismes fondamentalement non différents de ceux
adoptés pour les crises physiologiques de la société industrielle
classique ; comme si c'était de cela qu'il s'agît, et non pas d'un
phénomène profondément différent, c'est-à-dire du remplacement d'un
modèle de société par un autre.
Un pareil approche du problème a inspiré, semble-t-il,
les débats et les conclusions de la dernière rencontre à Denver, USA,
des chefs d'État des pays les plus industrialisés.
On a le sentiment que l'on continue à penser dans
l'optique de la société industrielle classique et de ses organismes de
re-équilibre social ; comme si nous n'étions pas à l'éclipse de ce type
de société et par conséquent de tout le bagage d'État social qui en est
l'aspect spéculaire, l'enfant direct, dont l'existence présuppose
prioritairement l'existence de sa source.
Nous croyons qu'il faut un changement d'optique pour faire face au nouveau.
Exigences pratiques et éthiques
Il s'agit, entre autres, d'une exigence non seulement
pratique mais éthique. Car si l'on accepte passivement, ou bien l'on
cherche de ménager par des moyens non adéquats, le changement que
l'introduction des techniques nouvelles va imposer à notre mode de vie,
on risque de réaliser l'utopie négative d'Orwell.
Pour comprendre et guider le changement dans le respect
de l'homme plus que du profit, pour avoir une société à la mesure
d'homme en exploitant les potentialités énormes qui découleront du
nouveau mode de production et de communication, nous estimons nécessaire
mettre au centre de nos réflexions le problème de la modification du
rapport production-travail humain.
La mutation du rapport entre travail humain et son
produit a été la clé de voûte de tous les tournants du progrès de
l'humanité. Il obéit à une loi meta-historique que nous qualifions de
" loi du distancement évolutif " ; sur la base de laquelle la profondeur
et l'importance du changement social entraîné sont évaluées par la
mesure du distancement de l'agent depuis l'objet de son travail.
À ce distancement s'associe un deuxième évènement que
nous lisons comme " loi de l'incorporation et de l'amplification de
l'habileté ". Évènement meta-historique aussi, il nous dit que tout
changement radical voit une incorporation maximale de l'habileté humaine
dans l'instrument innovatif, qui exécute de façon amplifiée, et avec
réduction de temps, ce que l'homme serait en mesure de faire à ce moment
ponctuel de son histoire.
L'analyse du rapport production-travail, ainsi qu'il se
pose dans les applications des technologies nouvelles, sera évalué dans
cet essai avec ses implications concernant l'homme travailleur et celles
qui se reflètent sur l'organisation sociale tout entière.
En traitant ce sujet, nous tacherons d'exposer les
raisons scientifiques qui devraient conseiller certaines interventions
aptes à guider l'adéquation structurelles des sociétés évoluées au
changement épocale, déjà en cours, du modèle productif.
On tachera d'offrir une contribution pour la
modification de l'Etat social en partant de la possibilité
technico-scientifique d'évaluer le coût humain du travail, qui est
l'élément de base pour tout critère de prévention et même d'assistance.
On traitera aussi du comment l'innovation technologique
pourra améliorer la qualité de la vie si l'on réinterprète le rôle de
l'homme face au procès de production ; en utilisant à sa faveur les
possibilités nouvelles, sans céder à la tentation de ne les rendre
avantageuses que pour la production, en ignorant le producteur.
Le changement de production et, par conséquent, de
société est déjà en acte sous la poussée des innovations technologiques,
mais il apparaît guidé de plus en plus par des logiques
économico-financières qui semblent déjà tracer des parcours prenant en
compte leurs intérêts plutôt que ceux répandus des gens.
Il y a, pratiquement, un déficit évident de direction
politique du procès, qu'il faut combler pour élargir l'aréa des
bienfaits que l'on peut prévoir avec l'explosion planétaire de la
société de l'information.
Nous estimons que chacun se doit de donner sa propre
contribution, selon ses propres possibilités et convictions, à cette
nécessité désormais percevable d'une élaboration politique qui
corresponde à cette nouvelle réalité.
Index de l'oeuvre
Chap. I - Le rapport production-travail dans
l'évolution historique.
Chap. II - Modèles de production et de structure sociale.
Chap. III- Les lois meta-historiques du progrès.
Chap. IV - L'homme et le travail - L'impact du travail sur l'entité homme.
Chap. V - Individu et structure sociale dans la société de l'information.
Chap. VI - Gouverner le changement.
Nombre de pages prévues, 120 environ
L'auteur
Prof. Dr Giovanni Grieco, Napoli (Italie)
Docteur ès Médecine, professeur de Médecine du Travail
auprès l'Université "Federico II" (Napoli I).
Ancien membre en Italie du Comité téchnico-scientifique
de la programmation sanitaire nationale e du Comité directeur du Centre
d'études du ministère de la santé.
Travaux scientifiques parus sur des thèmes de
pathologie du travail et de médecine sociale
Dans ses études, il a focalisé son attention notamment
sur l'usure psychophysique générale engendrée par la tache de travail,
en proposant aussi une méthodologie scientifique d'évaluation du coût
vital humain par chaque tache de travail.
Essais parus sur ce thème :
- Révision du rapport prodution-travail - Ed. ESI, Napoli 1992
- Usure par le travail - Ed. ESI, Napoli 1993
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