Alessandro Stoppato est
actuellement le plus fort importateur en France de produits alimentaires
italiens.
Nous l'avons rencontré dans ses bureaux à Saint Ouen,
banlieue nord parisienne, et lui avons posé quelques questions.
Ciao Italia -
Monsieur Stoppato, j'aimerais que
vous me parliez de votre vie avant de venir vous installer en France,
avant de fonder votre entreprise.
Stoppato -
Je suis Florentin d'origine. Mon
père avait une entreprise de construction immobilière.
J'ai connu celle qui est devenue ma femme, Véronique.
Française, elle avait été envoyée en Italie après s'être diplômé en
Sciences Po en France.
Après m'être moi aussi diplômé, mais en droit, j'ai
quelque temps milité dans le Parti Socialiste Italien.
Peu après, j'ai fait le concours de procureur légal
pour devenir avocat. Je me suis marié avec Véronique à 23 ans. Nous
avons alors décidé de nous installer à Paris.
Au début nous avons vécu dans un appartement prêté par une tante.
Ciao Italia -
Comment contiez-vous vivre en arrivant à Paris?
Stoppato -
Et bien, nous avons
eu une idée. Moi, ma femme et l'un de nos amis, Pascal, nous avons créé
notre propre activité, dans les années 79-80, à partir de rien.
Nous avons commencé presque par jeu, c'était une distraction.
Nous avons créé une société d'importation de produits
alimentaires italiens, la Sadipal.
On s'occupait du secteur agro-alimentaire en
collaboration avec des amis florentins.
Nous avons commencé nos activités en important les
pâtes Zara et différents vins italiens.
Notre système était de livrer directement aux magasins
qui nous faisaient des commandes.
L'idée a bien marché, si bien qu'après deux ans nous
avons pu prendre en location un dépôt.
En 1979 mon associé Pascal nous a introduit dans les grandes chaînes
alimentaires auxquelles nous avons proposé notre collaboration.
Ciao Italia -
Comment avez-vous été reçus dans ce milieu?
Stoppato -
Vous faites bien de me poser cette question, car la
réaction des autres fournisseurs ne s'est pas fait attendre.
Ils disaient que j'étais fou: d'après eux, les produits
italiens n'auraient pas eu de succès, car il n'y avait pas de demande
suffisante. En réalité les grandes surfaces étaient tout à fait
disposées à les commercialiser dans leurs rayons.
Les grands importateurs pensaient être les plus forts, mais nous nous
sommes vite rendus compte que, en réalité, leur position était fragile.
Ciao Italia -
Quelle a été alors votre stratégie?
Stoppato -
Elle a été très simple, bien plus simple que celle
utilisée par nos concurrents: nous avons décidé de proposer nous-mêmes
directement aux grandes surfaces nos produits alimentaires.
Ce fut un succès! Nous avons eu tout de suite de grosses commandes,
un gros facturé, comme on dit dans le métier.
En 1983 nous avons eu l'occasion de connaître un dirigeant de la
compagnie de wagons-lits, directeur du secteur immobilier.
Grâce à lui nous avons pris des locaux qui
appartenaient à une industrie de mise en bouteille de vin. Cela a été un
grand saut de qualité pour notre société.
Ciao Italia -
Et vos concurrents, justement, comment ont-ils réagi?
Stoppato -
Ils m'ont accusé de casser le
marché pour vendre le plus possible. Ils disaient qu'avec des prix aussi
bas je ne serais pas allé loin, et que j'aurais fermé dans un mois.
En réalité ce sont eux qui ont disparu, entre 1980-90
soit parce que leurs enfants n'ont pas poursuivi leur activité
lorsqu'ils sont partis à la retraite, soit parce qu'ils ont déposé le
bilan pour insolvabilité à l'égard de leurs fournisseurs.
Ensuite nous avons importé les produits de la société Pagani, qui a été la
première à introduire les pâtes italiennes en France.
Résultat, nous avons fait passer le facturé de cette
maison de 20 à 100 millions de francs, dont 80 en France.
...Parmi les maisons dont nous importons les produits, je peux citer le
Marquis de Barolo, les frères Pasqua, le vermouth Riccadonna, les pâtes
Divella (produites dans les Pouilles) Montegrappa, Dalari, la charcuterie
Alchina, Tanzi (Parmalat), Latte Bri, et bien d'autres
Ciao Italia -
Vous pouvez me donner un ordre d'idée de ce que ça
représentait?
Stoppato -
Il suffit de dire que la Pagani dans les années 88-92 vendait
plus que Barilla, et sans publicité, seulement dans les supermarchés.
Ciao Italia -
Apparemment, ce fut un franc succès. Qu'avez-vous fait ensuite
pour développer votre stratégie?
Stoppato -
Par la suite le label Pagani a disparu, et plusieurs importateurs
italiens ont fait faillite (la maison Sapar, monsieur Zanotti par exemple).
Nous avons alors mis en place une force de vente en absorbant en partie
leurs commerciaux restés sans travail; cela nous a permis de réorienter notre
activité vers les restaurants et les magasins.
Aujourd'hui nous avons dix vendeurs salariés qui ont en charge les restaurants
et les magasins, plus beaucoup de vendeurs qui travaillent au pourcentage.
Notre équipe de vente est composée par 30 agents
commerciaux, d'un directeur commercial pour les restaurants avec dix
vendeurs, et un pour les grandes surfaces avec trente vendeurs.
Nous avons huit camions de livraison, notre catalogue
compte 1500 articles.
Nous importons les produits des meilleures maisons italiennes.
Ciao Italia -
Pouvez-vous nous donner quelques noms de ces maisons?
Stoppato -
Je peux vous citer le Marquis de Barolo, les frères Pasqua, le
Vermouth Riccadonna, les pâtes Divella (produites dans les Pouilles) Montegrappa,
Dallari, la charcuterie Alcina, Tanzi, Latte Bri, et bien d'autres.
Ciao Italia -
Quelle est votre situation actuelle sur le marché?
Stoppato -
En nous occupant de l'importation de ces grandes maisons, nous
avons pu atteindre un chiffre de vente de 50-60 millions de francs hors taxes.
Par ailleurs, nous avons aussi repris le travail avec les grandes surfaces
(Auchan, Carrefour, Casino, Leclerc), pour les vins et d'autres produits
italiens.
Cela a si bien marché que maintenant nous avons nos propres rayons, réservés à
nos produits, dans ces supermarchés. Nous sommes ainsi arrivés à 150 millions de
francs de facturé, et nous avons pu rajouter 3000 m2 de magasin.
Actuellement, nous sommes le premier importateur de vins (ce n'est pas moi qui
le dit, c'est une statistique de la ICE), et aussi le premier importateur de
produits italiens en France, ayant largement dépassé notre concurrent Carniato,
qui reste à cent millions de francs de facturé.
Ciao Italia -
Avez-vous d'autres activités en parallèle, avez-vous pensé à
diversifier votre activité?
Stoppato -
Oui en effet, et sur différents
plans. Par exemple cela fait déjà longtemps que j'ai voulu m'occuper de
nos amis les bêtes, et en particulier de ce qu'on leur donne à manger...
Pour cela nous avons créé une société d'achat à Florence, dont je m'occupe
moi-même, la Gibeda, qui fonctionne aussi à plein régime.
Son activité est essentiellement basée sur l'exportation vers la France
d'aliments prêts pour animaux (chiens et chats).
Nous avons aussi acheté en Sardaigne une mine de matériaux pour litière
pour chat et une usine pour le traitement de ces matériaux.
De cette façon le facturé a encore monté de 30%.
Ciao Italia -
J'ai remarqué, en entrant dans vos locaux, qu'il y a
beaucoup d'italiens parmi vos collaborateurs.
Stoppato -
Oui, c'est vrai, notre personnel est presque entièrement
composé par des italiens, des familles entières y travaillent.
Ciao Italia -
Après tout ce succès, pouvez-vous me dire quels sont vos
projets.
Stoppato -
Nous allons ouvrir, par exemple, un nouveau lieu de
dégustation, pour montrer aux professionnels toute la gamme de produits que nous
pouvons leur fournir pour faire de la bonne cuisine italienne, de qualité.
Tenez, je vais vous montrer les plans. Vous voyez, ici
c'est l'entrée qui est composée par deux grandes vitrines, par
lesquelles le public peut accéder à l'intérieur.
Les caves sont en bas, pour la dégustation de vins
italiens d'origine. Là, un espace entièrement consacré à la dégustation
des produits. Et, ici, une école de cuisine.
En effet nous sommes en train de mettre sur pied une
école pour enseigner la cuisine et les spécialités italiennes aux
professionnels français ou italiens qui travaillent ici.
Ainsi les chefs et les pizzaioli pourront venir apprendre à bien préparer
les spécialités italiennes, ou tout simplement pour se perfectionner.
Nous ferons venir du personnel et des chefs des écoles hôtelières de l'Italie.
Nous trouverons du travail pour les jeunes qui veulent travailler ici.
Et, à part cela, pour passer à un tout autre domaine, nous sponsorisons un
club sportif, le club Sadipal qui a formé un groupe
de jeunes cyclistes de 17 à 20 ans, dont trois italiens.
La plupart participent déjà à des compétitions juniors
et l'un d'eux est senior professionnel.
De cette équipe vont sortir des compétiteurs pour les
prochains Jeux Olympiques.
Cette année déjà deux ou trois d'entre eux vont
participer au Tour de France 97.
Nous avons aussi une équipe de basket.

Alessandro Stoppato aime beaucoup les sports. Il
sponsorise un club sportif , le club Sadipal qui a formé, entre
autres, un groupe de jeunes cyclistes pour les compétition.
Un angle de son bureau, avec son vélo.
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