Reportage par Manabu Takashima


Avant que la mode du Ju-Jitsu brésilien n'envahisse le milieu des arts martiaux, j'avais entendu dire que, en France, il existait déjà une forme de Ju Jitsu dirigée par quelqu'un qui s'appelle Éric Pariset.

C'est donc à partir de celui-ci que je commençai mes recherches sur le Ju-Jitsu en France, mais le résultat en fut tout autre de ce que je m'attendais...

Il s'agissait en fait d'un art martial n'ayant aucun rapport avec le Japon, inventé à l'époque où Bruce Lee était à l'apogée, une forme de judo auquel on avait ajouté des coups et qu'on avait tranquillement appelé Ju-Jitsu...

Même de gens du milieu des Arts Martiaux affirmaient d'un ton ferme que cette "chose" était inefficace en combat réel.

Lors d'un Salon des Arts Martiaux j'ai eu, par pur hasard, l'occasion de rencontrer quelqu'un du ju jitsu d'Éric Pariset, et j'ai voulu alors vérifier ces rumeurs par moi-même. La réponse fut très décevante: "Nous ne participons pas à des compétitions dangereuses telles que celles des Gracie et notre entraînement, basé sur les kata, est très soft".

Assez déconcerté, je flânais dans le Salon jusqu'à ce que les lettres "Ju Jitsu Butokukai" m'ont sauté aux yeux. Ju Jitsu Butokukai? Est-ce que ça peut bien avoir une relation avec le Dai Nippon Butokukai auquel je pensais?

Le Dai Nippon Butokukai était une organisation créée en l'année 28 de l'ère Meiji dans le but de perpétuer les Arts Martiaux traditionnels japonais qui commençaient à se perdre après la restauration de Meiji. Elle fut dissoute à la fin de la 2e guerre mondiale par le Général Headquarters. en raison de son développement lié au précédent régime.

A ma connaissance, le nom Butokukai, par la suite, n'avait plus été utilisé par aucune école de Ju-Jitsu.

Comment ce fait donc qu'en France existait un style dénommé Ju-Jitsu Butokukai?
Le maître de ce style, Stefano Surace, m'explique qu'il s'agit d'une forme de Ju-Jitsu dont la relation avec le Japon est extraordinairement profonde.

La rencontre de Maître Surace, qui est d'origine italienne, avec le Ju Jitsu Butokukai a eu lieu dans la deuxième moitié des années 30, lorsque le gouvernement japonais avait envoyé, en les faisant passer pour des gens ordinaires, des experts en Arts Martiaux et des scientifiques en Italie, à l'époque déjà alliée avec l'Empire japonais et l'Allemagne par le Pacte Tripartite.

Parmi eux, figuraient Ishiguro et Mataga, envoyés secrètement par le Butokukai. Leur mission était de transmettre aux Italiens les traditions des Arts Martiaux perpétués au Japon, à commencer par les techniques meurtrières.

Cet art martial était le Ju-Jitsu Butokukai.

Or, parmi les Italiens censés pouvoir apprendre à enseigner le Ju-Jitsu Butokukai, fut choisi le père de Maître Surace, Giuseppe, jugé avoir l'étoffe d'un expert en Arts Martiaux. En fait, il s'y initia avec succès jusqu'à obtenir le Menkyo Kaiden.

Pourtant, après la défaite des trois pays du Pacte, ce programme de propagation fut interrompu et Giuseppe fut engagé à ne pas enseigner le Ju-Jitsu Butokukai.

En dépit de cela, Giuseppe souhaitait faire rester des traces, dans ce monde, de ce magnifique Art Martial, et commença à l'enseigner à son fils Stefano qui venait tout juste de fêter ses 10 ans. C'est ainsi que Maître Surace a appris le Ju-Jitsu Butokukai.

Maître Surace a ensuite entrepris son enseignement non pas dans le but de le propager, mais de transmettre la tradition de cette forme de Ju Jitsu qui devait être ensevelie par l'histoire.

Cependant, il y a 8 ans, à Maître Surace, qui s'était transféré à Paris, s'est présentée une situation particulière.

Contrairement à l'Italie, la France est un pays où il existe une forte passion pour les Arts Martiaux et où le nom de Ju-Jitsu Butokukai s'est répandu et fait connaître tout naturellement.

Actuellement, Maître Surace compte non seulement plus de 800 élèves en France mais il enseigne aussi en Suisse et il est le responsable de la Fédération Française de Ju-Jitsu Butokukai.

Il s'agit d'une histoire fascinante et rien que le fait qu'un Ju-Jitsu avec une telle histoire existe en France rend les Arts Martiaux encore plus intéressants.
Maintenant, je voudrais vous expliquer en quoi consiste le style du Ju-Jitsu Butokukai.

Les combattants étendent les bras vers l'avant à hauteur du visage, et, en trottinant constamment, adoptent une position de garde singulière. Je n'avais jamais vu une garde aussi originale.

De plus, lors des sparrings ils se battent en utilisant la totalité du plancher du gymnase. Les deux combattants gardent une distance constante, et, si cette distance se réduit pendant une fraction de seconde, ils s'administrent avec tout leur élan des coups de main ou de pieds (yokogeri/maegeri).

Au sol, le combattant qui s'est fait reverser par terre utilise aussi des techniques dont certaines ont des ressemblances avec celles du Ju-Jitsu brésilien, ou bien des immobilisation du tendon d'Achille en bloquant les mouvements de l'adversaire avec les deux jambes, et se relève d'un coup sec, en un clin d'oeil.

On a une forte impression qu'il s'agit surtout de techniques pour ne pas se faire battre ou de mouvements pour ne pas céder.

Et bien que ce soit surprenant, ces élèves participent à des tournois avec ce style si singulier.

L'un d'eux, Mathieu Nicourt, a eu le dessus sur les 45 participants au tournoi de combat libre appelé "Golden Dragon Cup" organisé dans la station balnéaire italienne de Rimini en décrochant ainsi le titre de champion du monde de Ju-Jitsu WBI. De plus Nicourt, bien que fasse partie du top en matière de Ju-Jitsu Butokukai, a au moins 10 autres combattants de ce style au-dessus de lui.

Je veux dire par là qu'on peut s'attendre à y rencontrer des combattants extrêmement forts. ..."Ce n'est pas exclus que j'envoie quelques uns de mes élèves à combattre dans le pays où le Ju-Jitsu Butokukai est né, le Japon" dit Maître Surace. Une demi-promesse qui deviendra un jour réalité?

 (Magazine "Kakutogi Tsushin", Tokyo - Trad. du japonais)

e-mail:   suracenews@free.fr

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